dimanche 19 août 2018

Adieux à la poésie


Allons, ange déchu, ferme ton aile rose ;
Ôte ta robe blanche et tes beaux rayons d'or ;
Il faut, du haut des cieux où tendait ton essor,
Filer comme une étoile, et tomber dans la prose.

Il faut que sur le sol ton pied d'oiseau se pose.
Marche au lieu de voler : il n'est pas temps encor ;
Renferme dans ton coeur l'harmonieux trésor ;
Que ta harpe un moment se détende et repose.

Ô pauvre enfant du ciel, tu chanterais en vain
Ils ne comprendraient pas ton langage divin ;
À tes plus doux accords leur oreille est fermée !

Mais, avant de partir, mon bel ange à l'oeil bleu,
Va trouver de ma part ma pâle bien-aimée,
Et pose sur son front un long baiser d'adieu !


Théophile Gautier (1811-1872) - Recueil : Espana (1845)

2 commentaires:

  1. Certes, vos clin d'œil sont magnifiques ! Théophile nous amène dans l'ancien Égypte avec le Pied de la Momie ! Un rêve fantastique après une soirée champagne bien arrosée.
    Bravo.

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